Les Grands Gangsters : Ombres et Lumière sur les Empires du Crime

Dans le sillage des empires du crime, des ruelles sombres de Chicago aux métropoles numériques du cyberespace, les gangsters ont tracé des chemins sinueux d’influence et de pouvoir. Cet article plonge au cœur de l’histoire et de l’impact socioculturel de ces figures légendaires, dont la vie continue de captiver et d’influencer des générations.
Photo d'Al Capone à Philadelphie, en Pennsylvanie, où il avait été arrêté et accusé de port d'arme dissimulée.

Al Capone, l'Empereur de Chicago

Al Capone, alias « Scarface », a mis Chicago dans sa poche à l’époque des gangsters et des bars clandestins. Né à Brooklyn en 1899, ce gamin de quartier a fait ses valises pour Chicago et a rapidement transformé la ville en son propre terrain de jeu illégal, sous les ailes de Johnny Torrio. Une fois au top, Capone ne se contentait pas de vendre des cocktails interdits ; il gérait un empire de vices, des speakeasies aux jeux d’argent, tout en jouant les Robin des Bois des temps modernes avec des soupes populaires pour charmer la galerie.

Mais tout bon film a sa chute, et pour Capone, elle a été signée par l’Oncle Sam sur un formulaire d’impôts. En 1931, le truand le plus célèbre d’Amérique a été rattrapé par des accusations de fraude fiscale, prouvant que même les gangsters ne peuvent esquiver le fisc. Condamné à 11 ans derrière les barreaux, il a fini sa carrière de criminel à Alcatraz où sa santé a plongé aussi vite que sa réputation.

Libéré pour bonne conduite en 1939, Capone a vécu ses derniers jours en recluse à Miami, loin des mitraillettes et des projecteurs, jusqu’à son décès en 1947. Sa vie, un mélange de drame, d’action et de charité, reste gravée dans la mémoire populaire, faisant de lui le visage incontournable de l’ère de la Prohibition et un personnage permanent de la culture américaine. Qui a dit que le crime ne payait pas ? Visiblement, il paie, mais seulement jusqu’à ce que l’IRS s’en mêle !

Al Capone reste une figure fascinante non seulement pour ses crimes mais aussi pour son impact durable sur l’imaginaire populaire américain, symbolisant à la fois l’ère de la Prohibition et les dangers du crime organisé.

Pablo Escobar, le Baron de la drogue Colombien

Pablo Escobar, parfois vénéré comme un saint, souvent maudit comme un monstre, fut un paradoxal philanthrope-criminel. Son histoire est une montée fulgurante vers le pouvoir, marquée par l’innovation dans le trafic de drogue et une évasion spectaculaire qui semble tirée des films. À l’apogée de son pouvoir, il contrôlait 80% du marché mondial de la cocaïne, amassant une fortune colossale. Escobar a marqué la Colombie, alternant entre actes de bienfaisance et violences extrêmes. Son évasion de la prison de La Catedral, un lieu plus proche d’un palais que d’une cellule, reste un symbole de son ingéniosité et de sa démesure. Sa mort dramatique a laissé un vide et un débat toujours vivant sur sa véritable nature.

Pablo Escobar sur une photo de la police colombienne prise suite à son arrestation à Medellín en 1976.
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Les Yakuza exhibent leurs tatouages et leur statut au festival Sanja Matsuri au Japon, 2007. © Elmimmo
Tokyo, Japon. 20 mai 2018. Les participants montrant tout leur corps tatoué, peut-être des membres de la mafia japonaise ou des Yakuza, assistent au Sanja Matsuri dans le district d'Asakusa. Le Sanja Matsuri est l'un des plus grands festivals shinto de Tokyo et se tient dans le quartier d'Asakusa à Tokyo pendant trois jours autour du troisième week-end de mai. Crédit : ZUMA Press, Inc./Alay Live News

La Yakuza, entre tradition et criminalité moderne

La Yakuza, tissée dans le tissu social et économique du Japon, est une entité à part. Avec ses racines plongeant dans le Japon féodal, cette organisation criminelle est respectée et crainte pour son adhésion stricte à un code d’honneur ancestral. Les rituels tels que le Yubitsume, l’amputation d’un doigt, soulignent un engagement envers des principes que même certains aspects de la société légitime envieraient. La Yakuza incarne une dualité fascinante de la culture japonaise : une présence criminelle qui opère souvent en plein jour. Elle opère aujourd’hui dans des sphères allant de la haute finance aux rackets de quartier, toujours avec un code d’honneur qui fascine et répugne.

Tatouages Vory
Aslan Oussoïan

Les Vory v Zakone : Les voleurs dans la loi

Les Vory v Zakone, émergent dans l’Union Soviétique des années 1930. Leur origine remonte aux bas-fonds des villes russes et surtout aux goulags staliniens, où ils formaient une caste distincte parmi les prisonniers. Ces hommes étaient unis non seulement par leur dédain pour l’autorité soviétique mais aussi par un code de conduite strict. Ce code dictait une loyauté absolue entre membres, et une hiérarchie rigide qui structurait leurs activités criminelles, du vol à l’extorsion, en passant par le trafic de biens et de services illégaux.

Le plus célèbre criminel connu sous le nom d’Aslan Oussoïan, surnommé Ded Khassan, a commencé son parcours derrière les barreaux à seulement 19 ans, condamné pour avoir résisté à l’arrestation par les forces de l’ordre. Par la suite, il a été reconnu coupable à plusieurs reprises pour divers délits, notamment le trafic de devises et le vol.

Au fil du temps, Ded Khassan est devenu une figure de proue du monde criminel, gagnant le titre prestigieux de « voleur dans la loi » non seulement en Russie, mais également dans toute la Communauté des États indépendants (CEI).

La montée en puissance de Ded Khassan et d’autres chefs de la pègre dans les années 1990 s’explique par leur nature sans scrupules, leur propension à la violence et leur volonté de prendre tous les risques.

Avec la chute de l’Union Soviétique, les Vory v Zakone ont vu une opportunité d’expansion sans précédent. Leur influence s’est étendue au-delà des frontières russes, touchant l’Europe et l’Amérique du Nord, où ils ont établi des réseaux de trafic de drogue, d’armes, et même d’êtres humains.

Les tatouages qu’ils ont sur le corps constituent une forme de passeport interne, des récits de vie codés, des cartes d’identité de l’ombre qui racontent des histoires de loyauté, de trahison et de pouvoir ou même leur position hiérarchique au sein de l’organisation.

La Mafia Italienne : Cosa Nostra, Camorra et 'Ndrangheta

La mafia italienne, avec ses diverses branches, plonge ses racines dans l’Italie du XIXe siècle. La Cosa Nostra en Sicile, la Camorra à Naples, et la ‘Ndrangheta en Calabre ont toutes émergé comme des réponses aux faiblesses de l’État italien, en particulier dans le Sud, offrant une forme d’ordre et de protection là où le gouvernement n’était pas en mesure de le faire. Elle a longtemps été romantique dans l’imagination populaire, mais sa réalité est beaucoup plus sombre.

Ces organisations ont forgé des empires sur le dos de la terreur et de l’extorsion. Elles ont un impact profond sur l’économie italienne mais aussi mondiale. Elles investissent dans des entreprises légitimes et manipulent des marchés allant de la construction aux produits agricoles, en passant par le trafic de drogue et d’armes et ont souvent été impliquée dans des scandales de corruption qui ont touché des niveaux élevés du gouvernement italien.

Toto Riina, alias « la Bête », était le cauchemar vivant de la Sicile et le parrain tout-puissant de Cosa Nostra. Petit par la taille mais géant par le règne, Toto le petit n’a rien laissé de petit dans sa gestion mafieuse. Chef dès les années 70, il a transformé les pittoresques paysages siciliens en scènes de crime, orchestrant des assassinats retentissants dont ceux des juges Falcone et Borsellino en 1992, qui ont ébranlé l’Italie jusqu’à ses fondations.

Sous le règne de Riina, Cosa Nostra n’était pas juste dans le business de la protection ou de la contrebande, mais bien dans celui du plomb et du sang. Son arrestation en 1993 après des années de cavale n’a presque surpris personne, tant sa liste d’ennemis était longue et sa chute attendue.

Derrière les barreaux jusqu’à sa mort en 2017, « la Bête » a laissé un héritage macabre qui continue de hanter la mafia et au-delà. Toto Riina n’était pas juste un parrain mafieux, il était un règne de terreur enveloppé dans un costard trop grand pour lui. Et dire qu’il pensait probablement finir ses jours paisiblement sous le soleil sicilien, sic transit gloria mundi!

Les Gangsters Américains et la Prohibition

Dans les années 1920, les États-Unis ont adopté le 18è Amendement, interdisant la production, la vente et le transport d’alcool. Cependant, loin de freiner la consommation d’alcool, la Prohibition a donné naissance à une ère de criminalité organisée sans précédent. Les gangsters, à l’affût d’opportunités lucratives, ont rapidement monopolisé le marché noir de l’alcool, transformant une restriction légale en une véritable aubaine financière.

Des noms comme Lucky Luciano et Meyer Lansky sont devenus légendaires, ils ont non seulement remodelé le crime mais aussi bâti des villes comme Las Vegas. Ces gangsters ont transcendé leur image de simples criminels pour devenir de véritables entrepreneurs, posant les bases du « rêve américain » pour certains, au prix d’une violence inouïe et d’une corruption profonde. Ils ont également diversifié leurs activités dans le jeu illégal, la prostitution et le racket.

Charlie 'Lucky' Luciano
Meyer Lansky

Avant que Luciano ne pointe son nez fin dans les affaires de la mafia, c’était un peu le Far West à Manhattan. Tout change quand Lucky met en place la « Commission » en 1931, une sorte de « conseil d’administration » pour la mafia. Imaginez des réunions où on sert du scotch au lieu du café et où les contrats ont un tout autre sens. Cette idée de génie a non seulement pacifié les gangs rivaux, mais a aussi boosté les profits des activités pas vraiment légales.

Quant à Meyer Lansky, surnommé le « Comptable de la Mafia », il était le génie financier derrière beaucoup d’opérations de la mafia américaine. Arrivé à New York enfant, il a rapidement tourné ses talents mathématiques vers l’organisation du crime. Avec ses amis Bugsy Siegel et Lucky Luciano, Lansky a construit un empire du jeu qui s’étendait de Manhattan à La Havane, transformant l’argent sale en affaires presque respectables. Contrairement à d’autres gangsters, il menait une vie discrète, investissant dans des casinos et des entreprises légitimes. Meyer Lansky n’était pas juste un criminel ; il était un stratège qui a utilisé son intelligence pour modeler le monde du crime organisé, laissant derrière lui un héritage qui inspire encore aujourd’hui les récits de gangsters.

Gangsters Modernes et la Cybercriminalité

Avec l’avènement d’Internet et de nouvelles technologies, le visage de la criminalité organisée a radicalement changé. Les gangsters modernes exploitent désormais le cyberespace pour mener leurs activités, qui vont du vol d’identité à la cyberextorsion, en passant par la vente de drogues et d’armes sur le dark web.

ross-ulbricht ©nick-bilton

Ross Ulbricht, surnommé « Dread Pirate Roberts », est le fondateur de « Silk Road » en 2011, un marché noir en ligne. Ulbricht, bien qu’étant du XXIe siècle, partage plusieurs traits avec les gangsters de l’ère de la Prohibition, notamment en innovant dans l’exploitation de marchés illégaux et dans les méthodes pour échapper à la loi.

Silk Road a été conçu comme un « eBay pour les drogues » où les utilisateurs pouvaient acheter et vendre des substances illicites en toute discrétion. La plateforme utilisait des technologies avancées pour préserver l’anonymat des transactions, combinant Tor, qui masque l’origine et la destination des communications sur internet, et Bitcoin, qui à l’époque était une cryptomonnaie relativement nouvelle et peu régulée.

Silk Road est rapidement devenu extrêmement populaire, générant des ventes estimées à plus de 1 milliard de dollars et des commissions en millions pour Ulbricht. Cependant, sa gestion de Silk Road n’était pas sans failles. Des accusations de complot pour meurtre ont été portées contre lui, bien que ces charges n’aient pas mené à un procès. En 2013, après une enquête complexe menée par le FBI, la DEA et d’autres agences, Ross Ulbricht a été arrêté dans une bibliothèque publique à San Francisco. Les agents ont réussi à le prendre en flagrant délit de connexion à Silk Road en tant qu’administrateur.

En 2015, Ulbricht a été jugé et condamné à deux peines de réclusion à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle, plus 40 ans pour des crimes, incluant trafic de drogues, blanchiment d’argent et autres infractions liées à son rôle dans la gestion de Silk Road. Sa condamnation a été très controversée, suscitant un débat sur les libertés numériques, l’éthique de la surveillance en ligne et la sévérité des peines attribuées pour des crimes commis sur internet.

L’impact de cette affaire se fait toujours sentir dans les débats sur la réglementation des cryptomonnaies, la surveillance de l’Internet et la politique des drogues. Le cas d’Ulbricht reste un exemple puissant des complexités et des défis du monde numérique moderne, mettant en lumière les zones grises entre l’innovation technologique et la légalité.

L’étude des grands gangsters de l’histoire nous offre un miroir de nos propres sociétés, révélant les interstices par lesquels la corruption, l’ambition et l’ingéniosité peuvent remodeler le monde. Ces figures de l’ombre restent non seulement des icônes de leur époque mais aussi des leçons vivantes sur le pouvoir, la chute, et le coût humain de l’empire. Leur héritage continue d’influencer la culture, la politique et l’économie mondiale, témoignant de notre fascination inaltérable pour ceux qui marchent sur le fil du rasoir entre la loi et la loi du plus fort.

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